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Apport de la cytométrie et de la PARR dans la gestion des lymphomes ganglionnaires canins
Introduction
Les lymphomes ganglionnaires représentent les hémopathies les plus fréquentes chez le chien (de 83à 90%). La forme ganglionnaire (dite également forme multicentrique) correspond à l’atteinte généralisée des nœuds lymphatiques périphériques (présentant alors une adénomégalie marquée). Elle est, le plus souvent, associée à un sous-stade clinique « a » (c’est-à-dire sans signe clinique associé, autre que la polyadénomégalie). Cette association clinique de polyadénomégalie majeure et généralisée sans autre signe clinique est quasi pathognomonique du lymphome et doit entraîner la réalisation immédiate de cytoponctions ganglionnaires en vue d’un examen cytologique (adénogramme) pour confirmer le diagnostic. Dans ce but, la ponction des nœuds lymphatiques mandibulaires doit être évitée car ces derniers peuvent avoir un aspect cytologique modifié par les pathologies buccales concomitantes.
Le lymphome étant confirmé, un bilan complet doit être réalisé pour préciser le pronostic et choisir le traitement le plus adapté. Ce bilan doit comprendre un bilan sanguin hémato-biochimique complet, de l’imagerie et des ponctions des éventuels organes atteints (rate, foie, moelle osseuse …).
Le stade clinique (de 1 à 5) est ainsi déterminé et influence fortement le pronostic.
Le typage histologique est également fondamental et doit être réalisé selon la classification histologique de l’OMS. Les lymphomes correspondent ainsi à un groupe hétérogène de tumeurs et il est important de se rapprocher le plus possible du sous-type morphologique. Une première dichotomie peut être effectuée par le grade. On distingue ainsi les lymphomes de haut grade, cliniquement agressifs et d’évolution rapide vers le décès sans traitement, et les lymphomes de bas grade, en général d’évolution clinique plus indolente. L’immunophénotype représente un autre critère de catégorisation des lymphomes. Le sous-type morphologique (ou sous-type histologique) reste l’élément déterminant du pronostic.
Il s’agit le plus souvent de lymphomes de haut grade, de mauvais pronostic en l’absence de traitement avec des survies médianes alors de l’ordre de 1 à 2 mois. La réponse à la chimiothérapie est, par contre, très bonne avec des taux de réponse initiaux (réponse partielle et complète) de l’ordre de 80 à 100% avec augmentation significative de la survie.
Le traitement de référence est la polychimiothérapie de type L-CHOP (incluant la L-Asparaginase, le cyclophosphamide, la vincristine, la doxorubicine et la prednisolone), comprenant une phase d’induction avec des séances fréquentes (en général hebdomadaires) suivie d’une phase de maintenance avec des séances plus espacées (toutes les 3 semaines en général).
Trois questions pratiques se posent alors : quelle doit-être la durée de la phase de maintenance initiale ? Comment déterminer la rémission complète à la fin de celle-ci ? Doit-on faire un traitement de consolidation en cas de non-rémission confirmée ?
Etude n°1
Une étude italienne (Aresu 2014) et très intéressante essaye d’apporter des éléments de réponse à ces questions.
La présence de cellules tumorales résiduelles mais non détectables cliniquement correspond au concept de maladie résiduelle minimale (MRD). L’existence d’une MRD à la fin de la phase de maintenance signifie que le traitement appliqué n’a pas été totalement curatif et que le risque de rechute est important, justifiant ainsi la mise en place d’un traitement de consolidation, ceci même si la rémission a été cliniquement jugée comme complète. La détection de cette MRD peut se faire soit par cytométrie en flux (CF) soit par PCR (PARR). Cette recherche de cellules tumorales résiduelles peut s’effectuer bien évidemment sur les ganglions mais également dans le sang ou dans la moelle osseuse pour les lymphomes ganglionnaires canins.
Le but de cette étude est de comparer les résultats obtenus par CF et PARR sur ganglion, sang et moelle osseuse à T0 (moment du diagnostic et du bilan d’extension initial) et en fin de maintenance (T1) et d’évaluer l’importance pronostique de la MRD sur le délai avant rechute et la survie spécifique. Elle a concerné 14 chiens présentant tous un lymphome B diffus à grandes cellules (B de sous-type centroblastique polymorphe dans 100% des cas) traités par un protocole unique de type L-CHOP sur 19 semaines.
A T0
A T0 (moment du diagnostic initial), le résultat du bilan d’extension et la détermination du stade clinique, donc du pronostic associé, varie également beaucoup en fonction de la méthode utilisée (cf. schéma n°1) :
- En évaluation cytologique sur frottis sanguin et myélogramme 5 chiens présentaient un stade V, soit 35.7%.
- Lorsque la CF était utilisée, seuls 4 chiens ne montraient ni atteinte sanguine ni infiltration médullaire, soit 71.4% de stade V.
- Lorsque la PARR était effectuée, seuls 3 chiens étaient négatifs pour tous les prélèvements testés (sang et moelle), soit 78.5% de stade V.
A T1
A T1, une CF et une PARR sont effectuées sur des ponctions ganglionnaires, du sang et un prélèvement de moelle osseuse. Un nœud lymphatique est également retiré et analysé histologiquement.
Les résultats suivants permettent de juger de l’efficacité de chaque méthode à détecter la MRD à T1 (cf. schéma n°2) :
- Cliniquement un seul chien n’est pas en rémission clinique complète mais présentait uniquement une rémission partielle soit 7.1%
- Deux chiens uniquement montraient une persistance du lymphome lors de l’analyse histologique soit 14.2%
- La CF met en évidence une MRD chez 4 chiens (deux au niveau ganglionnaire et deux sur sang ou moelle osseuse) soit 28.4%
- La PCR (PARR), plus sensible, montre une MRD sur au moins un des prélèvements testés chez 11 chiens sur 14, soit 78% !
Concernant la relation entre le résultat des différents tests et l’évolution clinique, les éléments suivants sont à mettre en exergue :
- Une rechute clinique a été observée chez 10 chiens lors du suivi, dont 9 avaient une PARR positive à T1.
- Si la PARR était positive sur le ganglion à la fin de la maintenance, le temps médian avant rechute était de 63 jours contre non atteint pour les cas à PARR négative.
- Si la PARR était positive sur sang à la fin de la maintenance, le temps médian avant rechute était de 34 jours contre non atteint pour les cas à PARR négative.
- Il y avait malheureusement peu de concordance entre les résultats des différents tests à T1 et la survie spécifique liée au lymphome. Le seul résultat statistiquement significatif est la survie médiane sur les cas PARR- et CF- de 784 jours contre 257 jours pour les cas PARR + et CF+.
- Enfin la concordance entre CF et PARR sur le ganglion est bonne à T0 (100%) mais la PARR est nettement plus sensible à T1 (64% de non-concordance type PARR+/CDF-).
Etude n° 2
Une autre étude italienne plus récente (Chalfon 2019) a étudié la valeur pronostique du pourcentage de grandes cellules d’immunophénotype B (CD21+) présentes dans le ganglion après obtention d’une rémission clinique complète et la fin du protocole de chimiothérapie. 31 chiens présentant un lymphome B à grandes cellules ont été inclus dans cette étude. Ils ont tous reçu un protocole CHOP associé à une immunothérapie par vaccin autologue. Une ponction ganglionnaire a été réalisée 2 à 4 semaines après la fin de la chimiothérapie pour réaliser une cytométrie en flux et évaluer le % de grandes cellules CD21+. Trois groupes ont été distingués : échantillon acellulaire (ponction trop pauvre) et pourcentage de grandes cellules CD21+ ≤ ou > à 0.5%.
Le temps médian avant rechute clinique était non atteint (variant de 195 à 429 jours) pour le groupe avec moins de 0.5% de cellules CD21+ contre 118 jours seulement pour le groupe avec plus de 0.5% de cellules CD21+. Cette dernière population aurait donc un pronostic plus sombre et pourrait bénéficier d’un nouveau protocole de chimiothérapie au moment du test de CF.
Analyse des études
- Plus la méthode utilisée est sensible, plus le pourcentage de stade V au moment du diagnostic est important. La PCR ou PARR (méthode la plus sensible) donne le pourcentage le plus important de stade V (78.5%). Il reste cependant à prouver qu’un stade V déterminé par une PARR positive à une valeur pronostique différente ou équivalente d’un stade V validé par une PCR positive.
La cytométrie réalisée sur moelle osseuse au moment du diagnostic a elle une vraie valeur pronostique montrée par la même équipe pour les lymphomes B diffus à grandes cellules (Marconato 2013). Dans cette étude une infiltration supérieure à 3% au niveau médullaire était associée à une survie médiane de 149 jours (5 mois) versus 329 jours (11 mois) pour les cas non infiltrés. - Dans cette étude, le pourcentage de cas présentant une rémission clinique jugée complète par le praticien mais avec une maladie résiduelle persistante mise en évidence par PARR est très important, environ 70% !
- La conséquence en termes de rechute de cette MDR semble marquée, la rechute est ainsi observée dans un délai médian de 1 à 2 mois après l’arrêt de la chimiothérapie lorsqu’elle est présente. La mise en évidence d’une MRD par PARR sur ganglion ou sang à la fin de la maintenance devrait donc entraîner la mise en place d’un traitement de consolidation. Il reste ici également à prouver que celui-ci apporterait un réel bénéfice en termes de survie.
- L’absence de MDR à la fin de la maintenance démontrée par CF et PARR négatives est associée à un bon pronostic, avec une survie médiane supérieure à 2 ans dans ce cas.
- La présence de plus de 0.5% de cellules CD21+ de grande taille dans le nœud lymphatique après la fin de la chimiothérapie est un facteur de mauvais pronostic et orienterait vers une reprise immédiate de la chimiothérapie.
RESUME/A RETENIR
La cytométrie en flux sur simple ponction du nœud lymphatique, sang ou moelle osseuse lors de lymphome permet de :
- Préciser le stade clinique et donc de mieux définir le pronostic au moment du diagnostic, surtout sur lorsqu’elle est réalisée sur la moelle osseuse, avec une survie de seulement 5 mois lorsque le % de cellules tumorales est supérieur à 3% pour les DLBCL
- Vérifier la rémission biologique en fin d’induction avant de passer en phase de maintenance
- Vérifier la rémission biologique en fin de chimiothérapie pour définir le pronostic et éventuellement reprendre la chimiothérapie
On réalise a minima une cytométrie en flux sur la moelle osseuse au moment du diagnostic initial pour préciser le pronostic et une cytométrie en flux sur le ganglion à la fin de la chimiothérapie pour définir le risque de rechute et décider de poursuivre la chimiothérapie ou non.
La PARR, moins souvent réalisée et beaucoup plus sensible permet également de mieux définir le pourcentage de MRD en fin d’induction ou du protocole de chimiothérapie. On peut alors la réaliser de manière concomitante à la cytométrie sur le ganglion. Si les deux méthodes sont positives, la survie attendue est de seulement 257 jours contre 784 jours si les deux sont négatives.
Aresu, L., Aricò, A., Ferraresso, S., Martini, V., Comazzi, S., Riondato, F., … Marconato, L. (2014).
Minimal residual disease detection by flow cytometry and PARR in lymph node, peripheral blood and bone marrow, following treatment of dogs with diffuse large B-cell lymphoma. Veterinary Journal, 200(2), 318–24.
Marconato, L., Martini, V., Aresu, L., Sampaolo, M., Valentini, F., Rinaldi, V., & Comazzi, S. (2013).
Assessment of bone marrow infiltration diagnosed by flow cytometry in canine large B cell lymphoma: prognostic significance and proposal of a cut-off value. Veterinary Journal, 197(3), 776–81.
Chalfon C, Martini V, Comazzi S, Aresu L, Stefanello D, Riondato F, Ferrari R, Marconato L.
Minimal residual disease in lymph nodes after achievement of complete remission predicts time to relapse in dogs with large B-cell lymphoma. Vet Comp Oncol. 2019 Jun;17(2):139-146. doi: 10.1111/vco.12453. Epub 2019 Feb 4. PMID: 30578621.